Même si ton cœur a l'âme en peine, il faut y croire quand même {Ava}

L’histoire de ma vie j’aurais préféré vous la dessiner mais il est dur de vous montrer des dessins quand il faut la lire. Alors je vais vous raconter mon histoire en décrivant ce que j'aurais dépeint pour vous la conter. Quinze dessins que je vous aurais fait, car je préfère les gestes aux paroles.

La première esquisse dépeindrait une belle femme blonde, aux yeux clairs tombant follement amoureuse d’un beau brun. Ils se trouvent près du Big Ben, à Londres. Il y aurait de l’amour dans les yeux de la femme mais une certaine indifférence dans les yeux de l’autre. Elle, c’est ma mère. Amoureuse et rêveuse qui pense qu’il est le bon. Mon père, ce salaud. Dans le deuxième dessin, je vous dessinerais la même belle femme, enceinte, le ventre bien rebondis, le regard posé sur son ventre, jurant protection à cet enfant sans défense, les larmes aux yeux. En arrière-plan vous verriez mon père prenant la fuite en courant se jurant de ne plus remettre un pied ici. Dans le troisième dessin, vous pourriez voir la neige derrière une fenêtre dans un appartement miteux, un sapin fraichement décoré, des cadeaux trônant sous l’arbre, et surtout ma mère rayonnant de bonheur les yeux marqués par la fatigue et la souffrance de la vie. Puis vous me verriez. Une jolie blonde avec ses beaux azurs, riant sous les chatouilles de sa mère. Fille unique, je n’ai connu qu’elle. Et bon dieu que je l’aime ma mère, elle s’est battue pour moi au péril de sa vie, faisant tout pour que je ne manque de rien. Elle est mon modèle. Dans le quatrième dessin vous me verriez dessinant sur un banc près de l’appartement, et ma mère serait à la fenêtre veillant sur moi, réfléchissant à comment me payer des études de beaux-arts. Des études qui coûtent cher, mais elle croit en moi et sait que je serais merveilleuse dans cette branche. Dans le cinquième dessin, vous verriez ma mère totalement cernées, cumulant trois emplois pour nous faire survivre et surtout pour me payer mes études. Je grandis, je sais ce que je veux mais je suis prête à renoncer à mon rêve de dessin mais elle non. Et on la verrait se battre pour moi, pour que je réussisse malgré sa fatigue à elle. Dans le sixième dessin vous me verriez toute souriante, mon diplôme de fin d’année en poche avec mon ticket pour une entrée dans une des facs les plus prestigieuse de Londres : Harvard. Ma mère serait à mes côtés, son sourire trahirait sa fierté à mon encontre, mais son teint serait livide et cadavérique, à ce moment-là, elle ignore tout du futur et qu’importe : elle est heureuse. Dans le septième dessin, vous me verriez en train de trimer pour réussir, je serais tellement concentré à dépeindre un portrait malgré la pression d’un professeur intransigeant derrière moi. Je me suis battue avec le soutien de ma mère, qui ne m’a jamais laissé tomber. Dans le huitième dessin, vous me verriez avec mon diplôme de fin d’études, avec la mention d’excellence, serrant la main d’un éditeur qui voit dans mes dessins un bel avenir. Je suis excellente dans tous les domaines du dessin, mais lui il veut que je replonge en enfance. Je dessine pour des enfants, je dessine l’innocence de leurs histoires. Vous nous verriez donc avec de nombreux livres en arrière-plan, et vous voyez le visage de ma mère pleurant de fierté de me voir ainsi réussir. Tout me réussis. Mais la vie n’est pas un conte de fée. Dans le neuvième dessin vous me verriez dans le lit d’hôpital de ma mère, la serrant si fort contre moi que j’aurais pu la tuer. Mais elle l’était déjà. Vous pourriez deviner ma peine si ardente sur mon visage noyé dans les larmes. La maladie n’épargne personne et elle me l’a prise si rapidement, si violemment que mon cœur encore aujourd’hui en ai meurtris. Elle a tout donné pour ma vie, et je n’ai pu sauver la sienne. Dans le dixième dessin vous me verriez dans un parc, le regard vide, un crayon à la main mais la feuille face à moi est blanche. Le syndrome de la page blanche, la dépression. Perdre l’être qui est votre unique repère vous affaiblit, vous rends vulnérable. Et j’ai tout perdue en la perdant. Puis vint une idée qui germe dans mon esprit, vous le verriez de manière flouté mais ça ressemble à un endroit nouveau et le mot qui s’y joint c’est Partir. Dans le onzième, vous verriez le panneau d’entrée de la ville de BLOSSOM HILLS, ainsi que le mot évasion. Un congé que m’a offert mon patron ainsi qu’un billet pour cette ville qu’il considère comme ressourçant. J’ai saisi l’occasion et me suis offert un nouveau souffle de vie. Puis dans le douzième dessin vous verriez une belle femme blonde, ses yeux azurs pleins d’étoiles dans les yeux, follement amoureux d’un beau brun. Mais la différence est que la réciproque est la même cette fois. Jackson. Lui il m’a aimé. Sincèrement et purement. Il m’a redonné ce second souffle de vie qui me manquait tant, me rendant ma liberté d’aimer. On pourrait deviner dans nos regards qu’on s’est sauvés mutuellement, et que notre amour on y croit dur comme fer. Dans le treizième vous nous verriez chacun pendu au téléphone, se racontant notre vie de tous les jours. La fin des vacances, un retour à Londres pour ma part, mais l’amour entre nous reste intact malgré la distance qui nous sépare. Vous pouvez même voir que nos sourires trahissent l’amour que l’on a l’un pour l’autre. Mais… Il y a toujours un mais. Dans le quatorzième, vous me verriez en larmes, regardant par la fenêtre Londres sous la pluie, et vous verriez en arrière-plan, ma mère une main sur mon épaule dessiné tel un fantôme et Jackson dessiné de manière flouté, mais ses paroles écrit en gras : « Je suis désolé, c’est eux que je choisirais toujours. ». Il a refusé de me rejoindre ici à Londres, choisissant sa famille à mes détriments. La fin d’une romance, d’un amour sincère, qui m’a dévasté. Et que je n’ai jamais pu oublier malgré tout ce temps sans lui parler. Un an, c’est long. Et dans le quinzième et ultime dessin, vous me verriez une valise à la main devant une belle maison de Blossom Hills, avec le mot : Nouveau départ. J’ai été muté ici, par mon éditeur. Et malgré tout ce qui s’est passé, et le fait que Jackson vit ici, je compte bien le saisir à pleine main ce nouveau départ. Je le dois, ne serait-ce que pour ma mère.