Aislynn ♦ On a Wednesday in a cafe I watched it begin again

Journal d’Aislynn, Londres, Summer 1998

Papa et maman sont méchants. Ils me font pleurer comme d’habitude. Mais moi je ne leur ai rien fait. Je ne comprends pas, est-ce que c’est normal ? Est-ce que dans toutes les familles c’est comme ça ? En plus il n’y a personne qui me répond. Ils ne me laissent même plus aller chez Mamie et ils parlent tout le temps d’elle en disant qu’elle est « folle », mais moi je l’adore mamie… Je les ai entendu parler tout à l’heure, ils se disputaient encore, je crois que c’était de ma faute. C’est toujours de ma faute et jamais celle de grand frère. Ils ont dit qu’ils « n’avaient jamais voulu d’un deuxième enfant » et ils ont parlé d’un « poids à porter ». Pourquoi ils aiment grand frère énormément et moi qu’un peu. C’est même pas juste.  
Du coup je suis allé voir grand frère et j’ai frappé à sa porte mais il parlait avec ses amis sur son ordinateur alors il m’a dit de « dégager ». Il est méchant lui aussi. Du coup je suis sorti un peu dehors avec mon vélo mais le jardin est pas très grand alors je me suis vite ennuyée. Est-ce que un jour quelqu’un viendra me chercher, des autres parents qui m’aimeront comme on voit dans la télé ? Quoique je sais même pas si j’aurais envie parce que je les aime papa et maman moi, c’est juste eux qui ont un problème avec moi. Mais je vais faire de mon mieux, je parlerai pas si il faut, je me ferai petite, j’ai l’habitude. […]


Journal d’Aislynn, Londres, Winter 2004

J’en ai marre. J’ai juste envie de partir loin. Quelque part où je pourrais commencer une nouvelle vie. Je me sens coincée dans cette vie merdique avec  cette famille merdique, enfin est-ce qu’on peut appeler ça famille… Entres des parents qui vivent leur histoire de leur côté sans se soucier des enfants… Je savais que mes parents n’étaient pas fait pour avoir ce rôle mais à ce point… La semaine dernière ils se sont absentés la semaine entière sans prévenir juste en laissant un mot et quelques sous. Que mon frère a immédiatement décrétait comme siens évidemment. Quand je vois les enfants qui font une fugue je les comprends la seule différence étant que pour moi ce serait plutôt un cadeau et personne n’appellerait la police. Bon j’exagère peut-être un peu mais je suis contrariée. Au fond je sais qu’ils nous aiment au moins un peu, même si une grande partie de leur amour va plutôt à mon frère, le premier enfant, l’élu, le tout puissant. Et pourtant moi je les aime, je m’accroche.  Je ne suis pas malheureuse hein, j’ai à manger, un toit, des amis, des parents, je vais pas non plus trop me plaindre. Mais bon, c’est ce qu’on fait quand on est adolescent non, on se plaint. […]



Journal d’Aislynn, Londres, Fall 2006



J’ai passé la plus belle journée de ma vie aujourd’hui, ce qui a réussi à me faire un peu oublier la pire journée de ma vie. On va commencer par la belle journée. On est tous allé faire du patin à glace aujourd’hui, quand on nous l’a annoncé je n’y croyais pas mes oreilles. On fait tellement peu de sorties en famille. J’étais tellement contente, je ne demandais pas mieux. Mais bon il faut avouer que j’avais aussi un peu peur que ça se passe mal. Eh bien non, pas du tout ! C’était super ! J’avais l’impression d’être bien dans une vraie famille. Maman rigolait, on a même eu des discussions de filles. Papa essayait d’apprendre à Jimmy l’art du patin mais il était vraiment nul, c’était à mourir de rire. Je dois avouer que ces derniers temps ça s’est un peu arrangé à la maison, peut-être que mes parents, en prenant de l’âge, se sont assagi. En tout cas c’est pas pour me déplaire.  J’espère que ça arrivera plus souvent. Surtout qu’en ce moment au niveau moral c’est pas le top .
L’autre jour on a fait une sortie avec Kyle, le garçon dont je suis amoureuse. En fait on est plutôt proche et il m’a proposé d’aller faire un tour. C’est pas comme si c’était la première fois mais là je ne sais pas, j’avais envie que ce soit spécial. J’avais décidé de lui parler de mes sentiments. Mais bon ça ne s’est pas très bien passé. Pourtant ça avait l’air tellement bien parti.
On a marché pendant longtemps dans les rues de Londres, on a vraiment beaucoup ri, on a mangé une glace puis on est monté dans le London Eye c’était vraiment magique. Et une fois tout là-haut, avec cette superbe vue, je me suis dit que c’était le moment rêvé. J’ai ouvert la bouche pour parler mais là il m’a devancé. « Heu écoute Aislynn il faudrait que je te demande un truc mais j’ai pas trop osé avant. » Mon cœur battait la chamade, j’en croyais pas mes oreilles, je me disais que j’aurais même pas à faire le premier pas. J’ai inspiré profondément en essayant de garder mon calme et je lui ai répondu avec un immense sourire aux lèvres. « Oui, je t’écoute ? »  Mais en fait, il en allait tout autrement… « Voilà , enfait tu sais ton amie Mary-Lou, je me demandais juste si tu pourrais m’arranger quelque chose avec elle. Elle est plutôt mignonne et je me dis qu’elle voudrait peut-être d’un gars comme moi ahah ! Enfin je sais pas qu’est-ce que t’en penses ? » Pff ce que j’en pense… Ca m’a vraiment fichu en l’air, tellement que quand je lui ai répondu mes dents ont presque grincer. « Ce que j’en pense ?... Il y a d’autres filles qui voudraient de toi tu sais… » Et là il s’est mis à rire cet imbécile. « Sûrement pas une fille comme toi en tout cas Lynette ! Ahah ! Faut pas se voiler la face hein. »  Je sentais déjà une larme couler mais il était hors de question que je perde pieds alors j’ai ravalé ma fierté. « Je ne vois pas ce que tu veux dire. Qu’est-ce que tu entends par une fille comme moi ? Enfin tu sais quoi oublie, je parlerai à Lou si ça te fais plaisir. Je rentre je suis fatiguée. » Dès que le manège s’est arrêté je ne l’ai pas laissé parler j’ai couru le plus vite possible sans me retourner et je suis rentrée.  
Comme je tiens à lui j’ai parlé à Mary-Lou et ils se sont mis à sortir ensemble, moi j’étais encore la fille sympa qu’on laisse là, toute seule. Mais j’ai rien dit, j’ai souri. Je n’ai plus parlé ni à Lou ni à Kyle peu de temps après. J’en avais trop marre de les voir tous les jours ensemble.
Enfin tout ça pour dire que cette journée en famille m’a fait un peu oublié mon chagrin. […]




Journal d’Aislynn, Londres, Spring 2008




J’ai rompu avec Dean aujourd’hui  et mon grand frère a quitté la maison. Il est reparti à l’université je crois, je ne suis pas plus au courant que ça puisqu’on ne communique pas beaucoup dans cette maison. Enfin, pour en revenir à Dean ça faisait quelques temps déjà que j’hésitais parce que je ne le sentais pas vraiment… amoureux, investi, je ne sais pas comment dire. On n’avait jamais de vrai rendez-vous et dès qu’on se voyait ça finissait toujours de la même façon, à croire que rien n’était plus intéressant que mon corps. Et à chaque fois que je lui en parlais c’était la même chose « Mais tu es très belle bébé c’est tout. » Ouais c’est tout… Donc là j’en pouvais plus je me suis pas retenu. « Comment ça c’est tout ? Tu veux dire qu’y a rien d’autre d’intéressant chez moi ? » Et là il est resté perplexe alors j’ai su que c’était le moment d’en finir. De toute façon il m’aurait quitté un jour ou l’autre, je ne suis pas une fille si exceptionnelle que ça apparemment.  Je crois que j’ai vraiment pas de chance avec les garçons. Même mon frère ne me parle pas. […]



Journal d’Aislynn, Londres, Summer 2010



…C’est affreux, horrible… J’ai envie de crier… Je ne sais pas quoi faire… Comment ont-ils osé ? Au secours, j’aimerais me réveiller. Je viens juste de rentrer de mon boulot d’été  et je n’ai trouvé personne à la maison à part un mot. Juste un petit mot : « Aislynn chérie, Ton père et moi nous t’avons donné des années de nos vies, maintenant il est temps que tu fasses ta propre vie seule. Ne cherche pas à nous contacter. La maison va être vendu nous t’avons trouvé un petit appartement que tu pourras louer. A toi de te débrouiller, c’est pour ton bien. » Non vraiment ? « C’est pour ton bien » ou comment se donner bonne conscience. Alors là je n’aurais jamais pensé qu’on puisse me faire ça un jour.  Ils m’ont tous abandonné là comme ça, comme une vieille chaussette. Ils m’ont tout juste laissé de quoi vivre un mois, je suis censé faire quoi moi bordel ?! J’ai essayé de les appeler mais bien sûr leurs numéros ne sont plus attribué, je n’arrive pas non plus à joindre mon frère. Je suis vraiment toute seule à partir de maintenant. Très bien, si c’est comme ça je vais me débrouiller toute seule et jamais ils n’entendront parler de moi à nouveau. Je m’en fiche après tout. Et je vais aussi brûler ce journal il faut que j’arrête.




Je fermai le journal et le rangeai dans un des cartons de déménagement. Eh bien, je ne me rappelais plus avoir écrit tout ça, quelle enfant torturée je faisais. Je n’avais jamais pu me résoudre à le bruler ce journal finalement, il était réapparu pendant mon grand rangement.
J’ai bien grandi depuis et aujourd’hui c’est le grand départ, je quittes  enfin cette ville pour de nouveaux horizons.  J’ai  25 ans et j’en aiassez de courir de petits boulots en petits boulots. J’aimerais me poser et c’est pour ça que j’ai choisi Blossom Hills , je change carrément de pays et je suis sûre que ça sera super. Je n’ai toujours pas eu de nouvelles de ma famille et je n’en veux pas, j’ai grandi je suis une grande fille, une femme même, et c’est à moi de faire mes choix pour avoir la meilleur vie possible.
Je jetai un coup d’œil rapide dans l’appartement. « Bon je crois que je n’ai rien oublié… C’est parti ! » Je fermai la porte à clé et m’en allai d’un pas décidé.