ESTELLE → we are young, we are free...

J’aimerais commencer cette histoire par un « il était une fois… » Comme dans les contes de fée. Mais, je n’ai pas la vie de Cendrillon, ni celle de Blanche Neige. Je n’ai pas la chance d’avoir une fin heureuse. Je suis née en décembre, deux jours après Noël, à Cardiff aux Pays de Galles. Mais je n’y ai jamais vécu. Mes parents étaient en vacances là-bas. J’ai donc une double nationalité : américaine et galloise. J’ai grandi à New-York, à Manhattan plus exactement. Etant petite, je n’ai jamais été inquiété par l’argent. Je vivais dans l’un des plus beaux quartiers de la ville. J’avais des parents qui avaient un compte en banque bien rempli et des métiers qui rapportent pas mal d’argent. Mon père est le PDG d’une entreprise internationale cotée en bourse, tandis que ma mère était une avocate de renom de la partie pénale. Seulement, je n’ai que deux ans lorsque ma mère trouve la mort dans un banal accident de voiture, après une énième dispute avec mon père. C’est également à partir de ce moment-là que les relations avec mon père se sont dégradées. Il s’occupait de moi pour le strict minimum : me faire manger, me faire dormir et m’emmener à l’école. Quand je voulais qu’on fasse quelque chose tous les deux, il refusait. Lorsque je voulais un nouveau jouet, il refusait. Lorsque je ramenais une bonne note à la maison il m’engueulait en me disant que ce n’était jamais assez. Lorsqu’il apprend que je saute une classe, il s’en moque. Personne n’est aussi intelligent que lui de toute façon.

J’ai six ans lorsqu’il perd son entreprise. Il a fait des placements infructueux et il a fini par perdre l’entreprise. Au revoir la vie de château, bonjour la vie de pauvre. Il commence par vendre sa voiture, puis notre loft. On se retrouve à habiter dans le Bronx. Il déteste cette situation. Il n’a jamais été pauvre. Il commence àà s’enfoncer dans un cercle vicieux : alcool, sexe, drogue. Il passe plus de temps dans les bars à draguer la première pouffiasse qui lui passe sous la main. Quand il rentre, souvent accompagné, il faut que le repas soit fait. C’est à partir de ce moment-là, que je deviens autonome, mature et responsable. L’année d’après, il commence à lever la main sur moi.  D’après lui, tout est ma faute. Si je n’étais pas née, il n’aurait pas autant de problèmes. Ces mots me font mal. Parce qu’au final, je n’ai jamais demandé à naitre. Je pleure souvent dans ma chambre en espérant que ça change, mais plus les jours passent, plus il devient de pire en pire. Mes professeurs remarquent les marques que j’ai sur la peau. Quand ils me posent des questions, j’esquive la question. Personne ne pourra m’aider de toute façon.

A dix ans, l’un de mes professeurs décide de faire appel aux services de l’enfance. Ils passent chez mon père. C’est le drame. Mon paternel pense que c’est moi qui les ai appelés. En l’espace de quelques mois, je suis passée d’un appartement miteux dans le Bronx à une chambre miteuse dans un orphelinat de la ville de New-York. Mon père est arrêté par la police. Il sera jugé au tribunal l’année d’après et finira en prison. Moi, je passe trois ans dans cet orphelinat. Je me renferme petit à petit sur moi-même. Je passe le plus clair de mon temps à dessiner. J’adore cet art et j’ai un réel talent. Alors je dessine. J’exprime ma souffrance à travers des dessins noirs. Et lorsqu’on me pose des questions sur mes dessins, je ne réponds pas. Je préfère ne pas parler de mon passé qui est beaucoup trop sombre. Je suis persuadée qu’aucune famille ne voudra de moi. Je suis trop grande. Les familles préfèrent prendre des bébés, histoire de les voir grandir. Mais début 2015, une famille venu tout droit de Blosson Hills décide de m’adopter.

Après quelques semaines de procédure, je pars pour une ville que je ne connais pas. J’adore ma famille mais ils ont déjà deux enfants et parfois, j’ai l’impression de déranger. J’ai peur de ne pas être assez bien pour eux. J’ai peur qu’il me renvoi à l’orphelinat parce que je ne suis pas la fille qu’ils espéraient. Le comportement de mon père m’a fait totalement perdre la confiance que j’avais en moi. J’ai l’impression de ne pas être assez bien. De ne pas faire les choses correctement. Néanmoins, cela fait huit mois que j’habite à Blosson Hills. Je déteste cette ville parce que j’ai toujours eu l’habitude de vivre dans une grande ville. Je rêve de m’envoler à Los Angeles parce que je suis persuadée que ma vie n’est pas ici. De plus, j’ai peur du jour où mon père sortira de prison. Je ne sais s’il va chercher à me récupérer ou non.