Jules (+) Don't waste your time

|_" Il va falloir trouver une solution Madame Cartwright. Votre fils est intenable." Je voyais ma mère rougir de minute en minute. La maîtresse ne mâchait pas ses mots. Il faut dire qu'un gamin de 7 ans de mon calibre, on n'en voit rarement. J'étais le clown de la classe, celui qui a toujours une réponse terriblement tordu à la question qu'on lui posait. La différence avec un idiot qui veut se faire remarquer c'est que mes réponses étaient toujours logiques. Elles clouaient le bec à cette méchante femme qui n'avait pas la patience de me supporter. |_" A ce rythme-là, dans dix ans votre fils sera un délinquant ou pire !" C'était le coup de grâce pour ma mère qui se mit à s'excuser pour mon comportement et bafouiller qu'elle allait prendre les décisions adéquates... Mon père retenait un éclat de rire. Lui avait toujours été convaincu que j'allais faire de grande chose dans ma vie et que ce n'était qu'une passade. Il avait raison. C'était le seul qui avait toujours cru en moi de toute façon. En sortant de la classe quelques minutes plus tard, ma mère explosa. Dans la voiture, elle ne cessait de crier en se demandant ce qu'elle avait pu faire de mal pour avoir un garçon pareil ! Elle lâcha la fameuse phrase que j'entends encore : Ah si seulement tu pouvais être comme ton frère. Terrible phrase. Mon frère avait toujours eu les faveurs de ma mère. Il faisait une bêtise, je prenais. Je n'y faisais même plus attention en grandissant. Il y a toujours eu de la compétition entre lui et moi, mais aussi beaucoup d'amour.

Dix ans plus tard, je n’étais pas devenu un délinquant. Bien au contraire. J’étais un adolescent comme les autres, en passe de devenir un jeune homme pas trop mal. J’avais fait une grosse crise d’adolescence, repoussant sans cesse les limites que ma mère avait eu peine à maintenir, pour ne pas dire qu’elle n’avait pas réussi. Les filles, l’alcool, la cigarette, difficile de résister quand on a un grand besoin de montrer que l’on existe. La relation avait ma mère s’était dégradée avec le temps, James avait toute son attention. J’avais fini par ne plus y faire trop attention. Plus du tout lorsqu’une magnifique jeune femme franchit la porte de notre maison. Elle était dans la classe de son petit frère et ce fut le grand coup de foudre. Je n’avais jamais été un grand dragueur mais là je sortais l’artillerie lourde. J’arrivais à mes fins, sans me douter un seul instant que James était également sous son charme. Je commençais une merveilleuse idylle avec Hannah. J’avais trouvé mon âme sœur, quoi que l’on en dise. Les années passèrent et lorsque j’eus vingt ans, je devais prendre la plus grande décision de ma vie : choisir une carrière. Je me mettais en tête de m’engager, de partir à l’armée. J’avais besoin de quitter cette petite ville, de vivre de nouvelles aventures… Mais il était hors de question que je le fasse sans avoir épousé Hannah d’abord. Idée complètement con. Nous étions jeunes et j’étais fou amoureux. Le désastre assuré !

« Ca m’a l’air pas trop mal ! » Mon père était assez enthousiaste par la découverte du campus. Je haussais les épaules. Je l’étais beaucoup moins, pourtant je savais qu’il avait raison. Je ne pouvais pas rester à Blossom Hills à attendre le retour d’Hannah qui n’arrivera certainement jamais. Elle m’avait fait ses adieux de nombreux mois auparavant prétextant qu’elle voulait voir le monde. Elle avait littéralement disparu du jour au lendemain. J’avais fini par me laisser convaincre de prendre des cours de droits. Devenir avocat et défendre ceux qui étaient dans le besoin ne me déplaisaient pas autant que le reste. J’avais signé mon inscription pour faire plaisir à mon père. Et puis finalement c’était devenu la meilleure initiative de toute ma vie. Je me découvrais un réel talent pour cerner les gens ainsi que pour plaider. Mon côté perfectionniste m’aidait à ne jamais lâcher : si j’avais la certitude que mon client était innocent, il était hors de question de lâcher l’affaire, quitte à prendre de gros risques. J’étais accepté dans les plus gros cabinets de l’état en stage et recevais même des promesses d’embauches à la fin de mes études. J’avais pris ma vie en main, et je n’en étais pas peu fier.

« Putain James qu’est ce que tu fous là ! » Je m’avançais vers mon frère et le serrais dans mes bras. Mais qu’est ce qu’il venait faire ici ? J’étais heureux de le voir. Nous ne nous étions pas vu depuis près d’un an, les dernières vacances d’été en réalité. Il m’expliquait être dans le coin et en avoir profité pour venir me voir. Il restait quelques jours et tout se passait pour le mieux. J’étais content de pouvoir passer du temps avec lui, loin de mes parents et surtout de ma mère qui ne pouvait s’empêcher de se mêler de nos affaires. Malheureusement toutes les bonnes choses ont une fin et il repartait demain. J’avais un gala important ce soir et décidais de l’emmener « File moi les clés ! » Je le regardais et tentais de desceller une pointe d’humour. « Tu rigoles ?! C’est la voiture de la boîte ! Elle vaut plus que ton appart’ et le mien couplé ! » Mais comment lui résister ? Je lui balançais les clés après quelques minutes de discussion : la pire erreur de toute ma vie !

La lumière était vive et elle me faisait mal. Je clignais rapidement des yeux. J’avais l’impression d’avoir une symphonie de marteau-piqueur dans le crâne et d’être passé sous trois trains de marchandises. Je me sentais vraiment mal. Je tentais de bouger mais ce fut une catastrophe. Je reprenais pied avec la réalité : j’étais dans une chambre d’hôpital avec un tas de bip autour de moi et un truc terriblement gênant dans la gorge. J’avais peur et tentais de faire le point… Je ne comprenais rien et dans un geste désespéré je tentais d’arracher le tube. Une infirmière arrivait à temps, elle criait et d’autres arrivèrent en courant. Je devais attendre plusieurs heures avant que le médecin se décide à nous rejoindre et m’enlever ce tube. La suite ressemblait à un cauchemar. Mon dernier souvenir datait de deux mois presque trois. Nous étions montés dans la voiture avant d’avoir un grave accident. Ma survie relevait du miracle. James n’avait pas eu cette chance. Mon monde s’effondrait. Je n’étais qu’au début de toutes les épreuves que j’allais devoir affronter.

Six mois s’étaient écoulés depuis l’accident. J’étais toujours chez mes parents. Je n’avais pas encore eu le courage de quitter à nouveau Blossom Hills… Que ferais-je de toute façon ? J’avais de longues séances de rééducation et n’étais toujours pas foutu de rester plus d’une heure debout, lorsque je ne finissais pas le nez dans la boue pour ne pas avoir réussi à mettre un pied devant l’autre avant. Difficile de m’imaginer dans un tribunal de grandes villes avec des affaires incroyablement médiatiques. J’aidais mon père en faisant le secrétaire et proposais mon aide pour quelques affaires bien typique de Blossom… Entre les divorces et les vols de poules j’étais servi. Mon père était un soutien indéfectible qui me poussait toujours à me dépasser. Ma mère ne me regardait même pas, me tenant pour responsable. Que croyait-elle ? Que je ne m’en voulais pas déjà assez ? Bien entendu lorsque l’on me demandait comment j’allais, je répondais que je faisais en sortes que ça aille ou simplement que j’allais mieux qu’hier… Je devais me reprendre en main. L’heure était plus que jamais à la reconstruction.