ELIOTT ► La guérison n’est jamais si prompte que la blessure.

Eliott regarde son frère et rit. Ce dernier, âgé de cinq ans, dessine sur les murs malgré l'interdiction de leur parent. Jonas a toujours été ainsi. C'est lui le plus vieux, alors il a appris toutes les bêtises possibles à son cadet. Ainsi, alors que le plus jeune vieux d'avoir trois ans, il suit son grand frère et attrape un feutre indélébile noir pour dessiner des arbres et des maisons un peu partout sur le mur de la chambre des deux adultes. Ils ne sont pourtant pas si loin, mais depuis le jardin, ils ne peuvent pas attendre les ricanements de leurs deux garçons. « R'ga'de ! C'beau, hein ? » Demande alors Eliott à son grand-frère d'un air fier. Il attend qu'il le félicite ou qu'il lui fasse un bisou sur la joue comme ils en ont l'habitude, ce qui arrive très vite alors que le plus jeune se met à sourire bêtement, content. Il continue dans sa lancée. S'il se fiche de ce que pensent leurs parents, Eliott est très intéressé par le regard de Jonas. C'est, après tout, son exemple. « Dis, Nas', t'c'ois ils vont c'ier quand 'vont voi' ça ? » Il se mordille la lèvre inférieure, faisant la moue, mais son frère pouffe de rire et secoue la tête. « Mais nooon ! C'est pour l'anniversaire de papa, il sera content ! » Oh oui, si content que lorsque l'adulte remonte les escaliers pour aller chercher ses fils pour le dîner, il se crispe et écarquille les yeux. Eliott, innocent et naïf, sourit fièrement en tenant en l'air son arme de crime. « LES GARCONS ! » Tout de suite, les deux frères se mettent à hurler et à partir en courant, évitant leur père au mieux. Jonas conduit Eliott à leur cachette préférée et il se cache une bonne heure avec un sourire débile collé à leurs lèvres. Ah ~ C'était le bon temps.

Un premier coup part. Le second survient très vite également alors qu'Eliott jette un regard à son grand-frère. Dix ans plus tard, ils sont toujours au même niveau. Les deux Jaehn sont encore plus casse-cou que durant leur enfance, passant leur temps à se battre avec les garçons osant s'approcher de la petite amie de l'un ou de l'autre. Et cette fois-ci, il s'agissait de la copine de Jonas. Une petite brune de quinze ans qui traînait avec une bande assez connu, mais que les deux frères ne pouvaient pas supporter. Une fois le troisième gamin mis à terre, Jonas s'étire en miaulant presque. Fier, il se tourne vers la jeune fille avant de se prendre la gifle la plus monumentale qu'il aie pu se prendre jusqu'à maintenant. « ABRUTI ! » Hurle la gamine, les larmes aux yeux. « C'est mon frère ! Et tu lui as cassé une dent ! » Qu'elle annonce alors qu'elle attrape le bras d'un des trois garçons pour le redresser doucement. Eliott ne tient plus et explose de rire avant de courir à l'autre bout de la rue en voyant le regard noir de son frère. Non, mais il est con aussi ! Six mois qu'ils étaient ensembles et il avait toujours pas capté que c'mec, c'était le frère de sa nana ? Trop nul.

Eliott tousse, le corps douloureux de toute part. Grimaçant, il regarde à sa gauche, le conducteur. Il est toujours accroché, la voiture ayant fait plusieurs tonneaux avant de s'immobiliser sans douceur. Ils n'ont pourtant pas bu. Bon … Jonas faisait un peu l'imbécile, mais jamais il n'avait voulu être dangereux. « J-Jon-.. » Il n'arrive pas à finir sa phrase, c'est trop douloureux. Les larmes aux yeux, il regarde son frère un instant avant de baisser son regard et de se crisper. Il a reçu un énorme bout de verre dans le ventre. Paniquant, le cadet des deux frères peine à respirer alors qu'il tente de se décrocher, en vain. Il murmure, appelle à l'aide et une voiture finit par arriver. On parle, mais il n'entend rien. Et ce n'est que lorsqu'il voit la voiture de l'ambulance approcher qu'il se laisse sombrer. Il perd aussitôt connaissance, le sommeil lourd.

Papillonnant des yeux avec difficulté, le garçon tente de s'habituer à la lumière. Ce n'est qu'au bout de quelques minutes qu'il parvient à bien voir et il fronce les sourcils en tentant de se redresser un peu. Ah bordel. Cela fait un mal de chien. Il grimace et sursaute quand ses parents entrent dans la chambre. Sa mère est pâle. Aurait-elle perdue du poids ? Les deux adultes hoquette en voyant le jeune homme et ils se précipitent vers lui pour l'enlacer. Soufflant fort, il se masse le poignet. « J-Jonas … I-Il est où … ? » Qu'il demande, voulant savoir s'il va bien. Le regard de sa mère le fait se crisper tandis qu'il la voit partir dans les toilettes, en larmes. « Eliott … Ton frère n'a pas survécu … Malheureusement … » Qu'il lui lâche alors que sa vue se brouille. Oh non. Non ! Non ! Non ! Il secoue la tête, commençant à paniquer. Non ! Il ne peut pas être mort ! Il n'a pas le droit de dire ça ! « NON ! » Hurle-t-il avant qu'une jeune femme ne vienne lui donner des calmants en voyant qu'il tente d'arracher tout ce qui le relie aux machines médicales. Finalement, il leur demande de sortir et pleure durant de longues heures, refusant de manger, si bien qu'on est obligé de le brancher à une nouvelle machine pour qu'il puisse se rétablir assez vite.

Grimaçant, il se tient à la barre comme le demande le médecin et marche, faisant plusieurs allé et retour dans la salle. Voilà un mois qu'il est sorti. Et sa foutue jambe droite ne veut toujours pas coopérer. C'est une séquelle de l'accident, mais il trouve ça tellement peu comparé à c'que ça a coûté à son frère. Jonas. En y repensant, Eliott sent les larmes monter de nouveau. La mort du garçon l'a totalement anéanti. S'il pouvait facilement sourire avant, c'est devenu plus compliqué avec le décès de son frère. « Allez Eliott, concentre-toi. » Serrant les dents, il opine. Si son frère le voyait dans cet état, il se moquerait sûrement en le traitant de tapette. Parce que c'était pas dans leur façon de faire d'être des mecs faibles. Alors, il se jure de prendre sur lui et de se montrer fort. Pour Jonas au moins.

Sortant de l'hôpital, Eliott se met à sourire bêtement.  Vitali a répondu à ses sous-entendus et il sent qu'un bon feeling est déjà en place. Cela fait maintenant trois ans qu'il a eu son accident. Trois ans et pourtant, il a toujours du mal avec sa jambe. Il boîte en plus d'avoir quelques cicatrices qui lui rappelleront à tout jamais cette fameuse nuit où il a perdu son grand-frère. Inspirant, il envoie directement un message à la belle blonde, sourire en coin. Elle lui plaît. Voilà trois ans maintenant qu'il a des vues sur elle. Et il serait peut-être temps qu'il lui avoue tout, non ? « On se voit bientôt j'espère ? En dehors de l'hôpital. Un verre un d'ces soirs, ça te dirait belle blonde ? » Il appuie aussitôt sur envoyer avant de se mordre la lèvre inférieure. Voilà. C'est fait. Plus qu'à voir comment les choses vont finir.