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J'étais en train de m’acharner contre un boss de fin de niveau plutôt balèze lorsque quelqu'un vint toquer à ma porte. « Féefée ? » Je mettais machinalement mon jeu sur pose avant de lever la tête. Cassandre, un livre à la main, se tenait sur le seuil de la porte de ma chambre, suivi de près par William. « Oui ? » « Tu nous lis une histoire ?» Me demandèrent-ils à l'unisson avant de me sauter dessus. Le temps que je mette ma console en sécurité sur une étagère, les deux monstres m'avaient déjà plaquée sur le lit en riant. Je me redressais tant bien que mal avant d'attraper le livre que me tendait mon petit frère. "Les trois petits cochons." « Eh ! » M'exclamais-je tandis qu'ils s'installaient chacun d'un côté. « Je vous l'ai déjà lu la semaine dernière non ? » Non seulement, à presque neuf ans, ils me harcelaient encore pour que je leur lise une histoire, mais en plus ils choisissaient toujours la même ! Je m’apprêtais à les virer de chez-moi à coup de pied au derrière lorsque Lysandre fit son entrée dans la chambre. Il s'accouda à l'embrasure de la porte, un sourire narquois sur les lèvres. « Vous n'en avez pas marre d'embêter votre pauvre sœur de la sorte. » Pour toute réponse, je lui balançais un oreiller sur la tête avant de lui faire signe d'approcher. « Te fais pas prier, vient lire avec moi. On a besoin d'un grand méchant loup. » Il s'esclaffait avant de nous rejoindre sur le matelas. Je venais tout juste d'entamer la première ligne lorsque notre mère fit irruption dans la pièce. Elle souhaitait me parler. Je laissais donc Lysandre terminer de lire leur conte aux jumeaux et rejoignait ma génitrice dans le couloir. Ce n'est qu'en me rapprochant d'elle que je remarquais à quel point elle semblait... Affolée. Ses longs cheveux gris, d'ordinaire toujours impeccables, étaient attachés en un chignon lâche sur le sommet de son crâne. Son visage, pâle, était orné de cernes noirâtres et ses traits semblaient tirés. « Ophélie... » Commença-t-elle, la voix tremblante. « Ce... C'est... C'est ton père. Il... Il a eu un accident sur le chantier. » Stupéfaite, j'ouvrais grand les yeux. . « Quoi ? Un accident ? » Certes, mes relations avec mon paternel n'étaient pas au beau fixe. Nous nous disputions fréquemment, principalement en ce qui concerne les jumeaux. Nous déménagions tous les six mois... Ou presque. Pour des enfants de cet âge, je trouvais ça malsain ! Ils avaient besoin de stabilité, de repères. Pas de changements. Mais, malgré tout cela, il restait mon père. Celui qui me bordait le soir lorsque j'étais petite, qui pensait toujours à me laisser la dernière crêpe, etc. Alors oui, j'étais inquiète. « Oui. Je te passe les détails sordides. Toujours est-il qu'il va devoir passer un petit moment à l'hôpital. Le choc a été rude. » « Dans combien de temps se sera-t-il remis ? Quand pourra-t-on le voir ? » « Il reviendra à la maison dans un mois si tout ce passe bien. Je vous emmènerais le voir dès qu'il ira mieux. En attendant, il va falloir que tu sois forte et que tu prennes soin de tes frères et sœurs pendant ce temps-là. » Je hochais la tête avec gravité. En somme, cela ne va pas me changer beaucoup du quotidien.
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Il faisait nuit depuis deux heures environ. Le ciel, d'un noir nacré, était parsemé de milliers de petites étoiles scintillantes. À couper le souffle. Allongés sur le toit de la maison, Lysandre et moi contemplions le ciel étoilé avec émerveillement, main dans la main. « Lysandre ? » Chuchotais-je sans oser le regarder. « Oui ? » « Merci... » Il reste silencieux quelques secondes avant de se tourner vers moi. « Ce n'est rien. » Me murmura-t-il à l'oreille avant de m'attirer contre lui et de me serrer dans ses bras. « Sans toi... » Repris-je avant d'être coupé en plein élan par une main plaqué sur ma bouche. Décidément, la finesse ce n'est pas son truc. « Il ne s'est rien passé. Oublie tout ça. » Je hochais affirmativement la tête avant de me blottir contre lui. Il avait raison. Je devais oublier. Oublier que mon premier petit ami était un salopard fini. Oublier que j'avais failli me faire violer par cet enfoiré. J'étais en seconde. Alors imaginés mon excitation lorsque que LE garçon le plus mignon du lycée avait commencé à s'intéresser à moi. J'étais folle de lui. Nous avons rapidement commencé à sortir ensemble : cinéma, restaurant, parc. J'avais l'impression d'être la plus chanceuse des adolescentes. Mes amies m'avaient bien dit de rester sur mes gardes, qu'il avait mauvaise réputation, etc. Mais j'étais tellement naïve et heureuse que je m'étais persuadé qu'elles étaient simplement jalouses, enfouissant ainsi au plus profond de moi-même les doutes qui m’assaillaient peu à peu. Et, quand Lysandre avait décidé lui aussi de s’immiscer dans mon couple, j'avais frôlé l'hystérie. Il m'avait dit que ce n'était un voyou, égoïste et égocentrique, qui n'en avait rien à faire de moi. Mais je ne l'avais pas écouté et, pour le faire tourner en bourrique, j'étais même allé jusqu'à aller passer un samedi chez mon petit-ami. Ce dernier m'aurait violé sans vergogne si mon frère adoptif n'était pas arrivé à ce moment-là. « Lys ? » « Oui ? » « Je t'aime. » « Moi aussi ma petite fée. » Me répondit-il en souriant avant de tourner la tête pour contempler le ciel étoilé. Nous restâmes encore plusieurs heures à contempler les étoiles collées l'un contre l'autre, silencieux.
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Cinq ans plus tard, je refusais catégoriquement de quitter la ville dans laquelle nous vivions depuis quelques mois : Blossom Hills. La région me plaisait. La ville m'enchantait. Je venais tout juste de terminer mes études d'infirmières et j'avais trouvé du travail sur place. Je connaissais tout le monde... Ou presque. J'adorais les cerisiers (la preuve en est, je m'étais fait tatouer un cerisier japonais dans le bas du dos). Je m'étais installée dans un petit appartement en colocation avec deux parfaites inconnues. Bref, je menais la vie dont j'avais toujours rêvé. Tout était donc parfait jusqu'au 23 décembre 2012, où un paquet cadeau m'attendant devant la porte. Lysandre, qui avait trouvé du boulot ici, avait décidé de me rejoindre. Cassandre, enceinte de sept mois, avait été jeté dehors par nos parents dans un excès de colère, et Will l'avaient accompagné jusqu'ici. Nous déménagions alors tous les quatre dans dans un petit trois pièces dans Apple Blossoms Square.
J'ai vingt-sept ans maintenant. Je travaille pour un salaire de misère (ce n'est pas faute de le dire) et je vie entourée d'une famille fantastique. Je suis folle amoureuse de la blondinette qui tient une librairie dans Marketplace et je passe la voir au moins trois fois par semaine sans oser l'aborder.
Le reste ne demande qu'à être écrit...