Prend t'as vie en main.

Ouvrant la porte de la maison Skye se fige. Sa mère est là, allongée sur le canapé, une flaque de vomi à côté d'elle et la peau blafarde. Si sa poitrine ne se soulevait pas de façon régulière, elle pourrait presque sembler morte. Pinçant les lèvres la jeune fille s’apprête à aller la secouer, mais un bruit provenant de la cuisine l'en dissuade. Il est à la maison. Le cœur de Skye s'affole. Il ne devrait pas être là, elle ne savait pas qu'il était de retour, mais ça ne change pas qu'il n'a pas le droit de les approcher elle, sa mère et sa petite sœur. Sa petite sœur ! Penser à Pixie lui rappelle qu'elle devrait déjà être à la maison. Sans un bruit Skye se glisse alors dans le couloir menant aux chambres et frappe doucement à la porte de sa cadette. Cette dernière lui ouvre et, une fois qu'elle est entrée, referme le verrou dans son dos. Elle a les yeux rouges et le contour de l'un commence à noircir. S'en est trop pour Skye. Leur mère devrait les protéger, pas plier l'échine devant se monstre chaque fois qu'il se présente à sa porte. Si elle n'est pas capable d'assumer son rôle Skye le fera à sa place, mais pas ici, elle doit mettre sa sœur en sécurité et ça veut dire mettre le plus de distance possible entre cette maison et elles deux. Ordonnant à sa cadette de faire son sac, elle file dans sa propre chambre en faire de même puis, dans une impulsion, se glisse dans l'ancien bureau de son père et y récupère son arme. Par chance, le revolver est chargé. Le glissant à sa ceinture, elle rabat sa chemise dessus, passe son sac de voyage à son dos et rejoins sa cadette. Alors qu'elles approchent du couloir, elle lui fait signe de ne pas faire un bruit, lui confie son sac et lui murmure de l'attendre à la voiture. Observant Pixie lui obéir elle, elle s'avance vers leur mère et fouille ses poches jusqu'à trouver les clefs du véhicule, mais alors qu'elle se redresse, elle croise son regard. Il est là, debout à l'entrée de la pièce et il l'observe avec quelque chose d'un prédateur. Un nœud se forme à la place de l'estomac de la jeune femme, mais elle ne se démonte pas et se dirige vers l'entrée. Seulement, il ne compte pas la laisser partir. Il a vu les sacs de Pixie et compris. Il la saisit alors par le poignet et la tire en arrière.  Surprise Skye trébuche et tombe au sol, il en profite alors pour bondir sur elle prêt à la corriger. Elle sait se défendre, c'est son métier d'apprendre aux autres à en faire de même, mais face à lui la rage prend le dessus. Elle pourrait le repousser, l’assommer et filer, mais au lieu de ça elle dégaine le revolver et tire. La balle perfore son front et fait éclater l'arrière de son crâne en ressortant, inondant au passage la tapisserie jaune canari de tâche carmin et d'éclat de cervelle. Un instant Skye reste figée et ce n'est que lorsque sa mère commence à hurler en l'insultant de tous les noms et en arrêtant pas de lui demander ce qu'elle a fait qu'elle réagit. « Happy End, maman. Le méchant meurt. » Rengainant son arme la jeune femme se relève, jette un dernier regard à cette femme en larme à côté de ce corps sans vie et décide que pour un vrai Happy End, elle doit finir ce qu'elle a commencé. Elle sort donc de la maison, monte en voiture avec sa petite sœur et trace sa route.

Debout, dos contre la voiture, Skye regarde le soleil se lever. Sa petite sœur dort sur la banquette arrière comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes et elle … Elle, elle n'y arrive plus. Chaque fois qu'elle ferme les yeux, elle entend de nouveau la détonation, revois l'expression hagard du proxénète de sa mère et le regard accusateur de cette dernière. Elle a agi au mieux, elle le sait, mais elle ne peut pas s’empêcher de se rappeler ce que son père lui disait enfant : « La violence n'est pas une fin en soit. » Son père … Elle avait dix ans quand il est mort, Pixie cinq. Elle se souvient de ce soir ou ses collègues policiers sont venus sonner à la porte et ou sa mère s'est effondrée en larme. Abattus par un dealer … À partir de ce moment la décente aux enfers à commencé. Sa mère a commencé à boire pour oublier et, alors qu'elle était à peine en âge de s'assumer elle-même, elle a dû aussi assumer sa sœur. Puis l'argent à commencé à manquer. Sa mère n'avait pas d'emploi et tout ce qu'il touchait d’indemnité pour la mort de son père passait dans l'alcool ou les calmants. C'est là qu'il est entré pour la première fois dans leur vie. C'est lui qui fournissait les calmants et faute de toucher ce qu'il devait, il a commencé à forcer la mère des deux filles à se prostituer. Il a essayé d'en faire de même avec Skye, mais à l'époque, sa mère avait encore assez de bon sens pour l'en empêcher. Seulement ça a changé. Il l'a faite tomber dans la drogue, l'a humilié et rabaissé au point qu'elle n'ait plus la moindre estime d'elle-même. Alors il a commencé à prendre ses aises dans leur famille et … Et c'est devenu une torture de tous les jours pour Skye. Elle refusait de se prostituer alors il la frappait ou frappait Pixie jusqu'au soir où il l'a coincé dans sa chambre. Elle se souvient de ses grosses pattes sales sur sa peau, de son corps écrasant le sien, de la douleur, de son souffle puant l'alcool et … Fermant les yeux, elle essuie vivement une larme roulant sur sa joue. Elle avait quinze ans, putain seulement quinze ans et il a osé abuser d'elle. Une gosse. C'est après ce jour qu'elle a voulu apprendre à se défendre et intégré un club de self défense. Elle y allait tous les soirs après l'école et a continué comme ça jusqu'à l'âge de vingt ans. Elle avait alors commencé des études sans grande conviction, ne sachant pas quoi faire de sa vie, quand on lui a proposé le poste de professeur de self défense, l'ancien professeur prenant sa retraite. Elle a accepté sans hésitation et la vie s'est nettement améliorée. Il faut dire qu'il venait d'être mis en prison pour recel de drogue, la famille pouvait donc respirer un peu. Skye commençait enfin à s'imaginer un avenir, mais ça n'a pas duré, il est revenu et … Elle a fait ce qu'elle devait. Secouant la tête la jeune femme remonte en voiture et reprend la route. Elle veut mettre de la distance entre le Mexique et elle, entre son ancienne vie et cette nouvelle qui débute. Elle sait où elle va, elle n'y a jamais mis les pieds, mais une de ses amies d'enfance lui en a parlé et elle se souvient d'une photo. Celle d'un cerisier en fleur. Symbole de renouveau.