Appelez nous 007 ! # Braedleen

Appelez nous 007 !

Allongée sur un fétu de paille, je me plaisais à trouver les descriptions parfaites pour les quelques nuages que le vent s’échinait à chasser aujourd’hui. Décalant légèrement ma jambe car un morceau de paille tentait de s’infiltrer à travers mon jeans, je soupirais d’aise. L’été était une saison que j’avais toujours appréciée. Les champs constamment en changement à cause des récoltes, et l’activité de notre petite ville et sa région boostés à leur maximum. Un cumulus passa au-dessus de ma tête et je souriais face au ciel en décidant que celui-ci ressemblait à une robe de bal. Je n’eus cependant pas le temps de me concentrer sur le nuage suivant, mon portable vibra dans ma poche et je le récupérais afin de lire le sms que je venais de recevoir les bras tendus vers le ciel. Le nom de l’expéditeur me fit automatiquement sourire, Braeden. Ma meilleure amie depuis quelques années déjà. Chaque fois que j’y repensais, je ne pouvais m’empêcher d’être autant surprise que ravie. Aussi opposées que le feu et la glace, nous nous étions entendues au-delà de tout ce que j’aurais pu imaginer à l’époque. Tandis que les élèves au caractère le plus marqué – comme elle – s’amusaient à me forcer à faire leurs devoirs ou appréciaient outre mesure se moquer de ma façon de me vêtir, Braeden était arrivée, s’était mise devant moi au sens propre et figuré, et m’avait défendue sans relâche. Quitte à attaquer les autres de façon plus ou moins polie, elle avait été mon preux chevalier bien plus que n’importe quel mec que j’avais pu connaitre. Je m’étais toujours demandé pourquoi elle avait fait ça, et comment elle avait bien pu me trouver intéressante alors que j’étais timide et effacée. Le temps passait et notre relation n’était que plus solide. Nos passions nous avaient envoyés dans deux filières différentes, mais légèrement semblables. Le stylisme était mon art, la photographie le sien. Bien souvent, nous tentions de joindre nos forces sur des projets communs. La joie de nous retrouver était pure et sincère, je ne pouvais le nier. C’est pourquoi, je souriais comme une idiote face à mon smartphone. Elle arrivait, et j’étais déjà sûre que cette journée allait être mémorable. Nos emplois du temps à présent différents ne nous empêchaient pas de nous retrouver. En cette magnifique journée d’été, j’étais certaine que nous allions passer un moment mémorable. Je lui répondais rapidement en précisant le lieu où j’étais, et décidais de m’assoir histoire de la voir arriver. Oui. Elle aurait pu tenter de me faire peur, et je n’avais pas envie de jouer un remake de Pretty Little Liars cet après-midi. Rangeant mon téléphone une fois qu’elle me confirmait son arrivée, je soupirais d’aise en contemplant la campagne. Mes parents auraient pu décider il y a bien longtemps que l’on devait quitter la ville. Néanmoins, en dépit de la route qu’ils faisaient constamment ils persistaient et continuaient de vivre à Blossom Hills. Parfois, je me disais que c’était quelque chose de positif. Malgré tous les côtés négatifs qu’ils pouvaient avoir, ils étaient assez censés pour aimer leur petite ville et la chérir comme il se doit. Dans ces moment-là, je me disais qu’un jour peut-être ils pourraient me comprendre et apprendre à m’aimer comme ils aimaient notre citée.

Un épi de maïs fusa juste devant mon visage et je me reculais surprise, tournant rapidement le visage pour voir qui était le coupable. Ou plutôt, la coupable. Un sourire fendant son joli visage, Braeden s’avançait. J’étais déjà persuadée qu’elle dirait que c’était parce que j’étais trop perdue dans mes pensées et qu’elle devait bien se manifester d’une façon ou d’une autre. Sautant de mon fétu, je récupérais l’épi rapidement et le lançait en sa direction dans un éclat de rire. « Espèce de folle va ! » m’exclamais-je en réduisant le nombre de mètres nous séparant. Je m’apprêtais à lui faire la bise lorsqu’un bruit attira notre attention à toutes les deux. A côté de la ferme de laquelle je me plaisais à squatter les fétus, il y avait une petite maison. Une vieille dame y vivait, et elle était plutôt bizarre. Toujours curieuse, toujours à se plaindre à cause des plus jeunes qui venaient s’amuser innocemment dans le coin. Après avoir fixé la maison quelques secondes les sourcils froncés, je me retournais vers ma meilleure amie. Un éclair de malice dû traverser nos regards en même temps, et je souriais. « Il va définitivement falloir que l’on aille voir c’était quoi ce bruit. Imagine qu’elle fabrique de la meth dans sa cave et qu’elle vienne de déclencher une réaction chimique ! » argumentais-je avec un léger sourire en coin. Il n’y avait jamais de mauvais motif pour lancer une mission d’espionnage avec Brae’, je l’aimais sans doute en partie pour ça. On conservait cet esprit enfantin par moments qui nous poussait à aller espionner une vieille dame alors que nous avions passé la vingtaine. Je ne me lasserais jamais de ça, je devais l’avouer. Dès lors que nous avions décidé d’entreprendre notre mission, nous nous mettions à couvert sous les arbres. Progressant le plus discrètement possible, je me tournais vers elle en m’arrêtant brusquement « Ah, et il faudra que je te parle de quelque chose après. » lui avouais-je avant de me remettre en route. Ce n’était pas franchement sympathique de lui balancer ça comme ça, mais au moins je n’aurais pas d’autre choix que de lui en parler. Je tergiversais depuis un moment quant à savoir si je devais passer à table à ce sujet-là avec elle ou pas. A présent était le bon moment, et je ne pourrais pas me défiler. Elle s’en assurerait.

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En devenant adulte, je m’étais bien vite rendue compte que nous pouvions tout de même garder certaines part de notre nous enfant. Ainsi, une part de mon innocence déchue persistait en présence de Braeden. Avec elle, je pouvais demeurer la jeune Kathleen qui était timide, réservée et n’osait pas devant la plupart des gens. Puis également être plus libérée, en proie à rire pour tout ou rien, et extravertie en sa présence seule. La moindre bêtise nous emballait toujours en dépit des années qui passaient. Nous avions beau nous réunir sous n’importe quel prétexte, la vérité était que nous finissions toujours par vivre de folles aventures. J’aimais cela, les samedis après-midi passés à parcourir la campagne pour finir par se rendre parano l’une l’autre quant au fait que nous étions suivies. Ou bien… se trouver au mauvais endroit alors que la saison de la chasse débute d’ici quelques minutes. Un sourire fendit mon visage à la pensée de notre myriade de sourires partagés. Blossom Hills était ma maison pour bien des raisons, et le fait que je puisse porter autant d’affection à la ville n’était qu’une menue partie de ce sentiment. En effet, au fond, un lieu n’est en aucun cas gage de votre appartenance à ce dernier. Les connexions émotionnelles et à fortiori les personnes y vivant font de n’importe quel endroit au monde votre havre de paix.

Un bruit suspect, une vieille femme un peu étrange, il ne nous en avait pas fallu plus pour nous lancer dans des suppositions dignes des plus grands polars. Rapidement, l’épisode de l’épi de maïs fut oublié à la faveur de notre future enquête, qui allait – j’en étais certaine – se révéler palpitante, ou du moins nous prodiguer des histoires à raconter à nos petits enfants dans des années. J’exposais rapidement mon idée première à Brae, me persuadant qu’il s’agissait de cela. Et je préférais d’ailleurs mon idée à la sienne. La possibilité d’être confrontée à des corps en décomposition alors que la journée s’annonçait si belle me donnerait presque la nausée. « Beurk, j’espère que se sera de la drogue alors. » avouais-je dégoutée à l’idée d’être confrontée à un spectacle pareil. Je me retins en passant de demander à ma meilleure amie si elle venait de regarder un épisode de The Walking Dead pour avoir des idées pareilles… parce que, évidemment elle me demanderait si je n’avais pas regardé Breaking Bad pour penser à un trafic de meth dans une campagne aussi paumée que la nôtre. Et elle n’aurait probablement pas eu totalement tort. Etre exposé à des scénarii pareils de par toutes les séries télévisées influait sûrement un peu trop sur notre imagination déjà fertile, et voilà qu’en plus de jouer les espionnes nous nous mettions à penser immédiatement au pire.

Après nos élucubration digne de deux grandes paranoïaques nous nous mîmes en route plutôt rapidement. Evoluant sous le couvert des arbres, je tentais de rester concentrée. Soudainement le fait d’avoir enfilé un jeans et une paire de basket me plaisait beaucoup plus. Moi qui ne jurais que par robes et jupes en cette douce fin d’été, je m’étais résignée à m’habiller un minimum pour pouvoir crapahuter avec mon amie. Nos aventures nous menant bien souvent en des lieux étranges, j’avais plutôt bien anticipé tout ça en fin de compte. Histoire de ne pas me dégonfler plus tard, je lui lançais également tout à trac que je devrais lui parler de quelque chose plus tard. Il n’en fallut pas plus pour que Braeden se stoppe brutalement et son laïus me parut censé en fin de compte. Manquant de lever les yeux au ciel, je soupirais. En effet, si nos hypothèses se vérifiaient nous avions de grandes chances de périr. Bien que cette probabilité soit infime – qu’on se le dise. « Euh, en fait j’ai… » débutais-je en ayant du mal à tout sortir d’un coup. Même avec ma meilleure amie, il était plus aisé d’aborder des sujets totalement dingues à propos d’une vieille femme cuisinant de la drogue dans sa grange plutôt que de parler de ma vie sentimentale. Ou du moins de son ébauche, ou de son possible devenir ? Me faisant violence car si je n’accouchais pas Brae deviendrait folle, je soupirais une nouvelle fois. « J’ai en quelques sortes rencontré quelqu’un… et j’ai un rencard. » confessais-je finalement avant de reprendre mon chemin la laissant sur place. Elle me rattraperait, ou en hurlant que c’était un miracle, ou en me posant des centaines de questions. A moins qu’elle ne se concentre sur notre mission pour en reparler plus tard. Je souris un instant, elle allait me cuisiner jusqu’à la moelle peu importe le moment où elle choisirait de le faire.

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Jamais je n’aurais misé un caramel sur notre amitié à B. et moi. Lorsque nous étions plus jeunes, elle était bien connue pour être l’une des terreurs du collège puis du lycée. Alors je préférais éviter d’être dans son chemin histoire de ne pas avoir d’histoires avec elle. Grande gueule, elle ne reculait devant rien. J’admirais ça, toutefois il m’arrivait de la trouver un peu folle à n’avoir aucune limite face à d’autres qui représentaient tout de même un danger potentiel. Tandis que je faisais profil bas, elle avait fini par me trouver. Ou sans doute en avoir marre de voir les autres m’embêter pour rien. Et un jour, elle avait pris ma défense. A la surprise générale, la mienne avait dû être la plus importante de tous, nous étions devenues amies par la suite. En apprenant à la connaitre, je compris que je ressemblais en partie à sa jumelle et que cela avait attisé sa sympathie première à mon égard.
J’aurais pu avoir un complexe d’infériorité face à son caractère de feu. Néanmoins, les choses ne se passèrent pas comme ça. Plus je passais de temps en sa compagnie, plus je me sentais moi-même près d’elle. Moins timide, je me permettais d’exprimer mon opinion quant à ses réactions, tentant même de la conseiller. Braeden est restée têtue, bien sûr, mais elle avait fini par apprendre à m’écouter. Au final, nous représentions un équilibre sain et nous entre-aidions depuis des années à présent. Avec elle j’étais totalement libérée. Probablement moins timide et réservée que le reste du temps, elle avait cet espèce de pouvoir sur moi qui me permettait de dépasser toutes ces phobies que j’avais le reste du temps. Alors je n’appréciais que plus encore notre temps passé ensemble. Aussi folles nos escapades puissent-elles être. Comme cet après-midi en fin d’été, tandis que nous venions de décider d’espionner la mamie d’à côté car elle nous paraissait suspecte. Les bruits n’étaient qu’une excuse, nous le savions toutes les deux. Cela faisait trop longtemps que nous voulions entrer chez elle et voir ce qu’elle manigançait. Elle était bien trop bizarre pour la petite ville sans problème qu’était BH.

Sur le chemin pour enfin découvrir la vérité, j’avais lâché une bombe. Bien sûr, j’étais plus à l’aise avec ma meilleure amie. Toutefois, il ne fallait pas trop pousser. Les rencards et compagnie étaient toujours quelque chose de difficilement abordable pour moi. D’autant plus que Braeden était avide de réponses, et qu’elle n’hésiterait pas à aller se battre avec Aksel si jamais les choses tournaient au vinaigre. A peine quelques secondes plus tard, elle m’interpellait en utilisant mon nom complet. Malgré moi, je souriais avant de m’arrêter. Ok, le moment de parler de tout ça était maintenant. La vieille et ses expériences étranges attendraient cinq minutes, en espérant que cela ne dure que cinq minutes. La grande inquisition commence et je ne peux retenir un rire en entendant que c’est un ordre. Parfois être amie avec Braeden Turner tient du surréaliste. N’est-ce pas totalement fou de devoir raconter de telles choses à votre meilleure amie sous le couvert des buissons alors que vous êtes en mission de reconnaissance ? « D’accord, d’accord, ne paniques pas. » je lui répondis calmement continuant de sourire face à son empressement. Je devais le reconnaitre, ma dernière « relation amoureuse » datait d’une éternité. Peu avenante, j’évitais souvent le contact avec les autres de peur d’être trop gauche. Aksel avait déjà vu les pires facettes de mon être et n’était pas décidé à rebroussé chemin, cela ne le rendait que plus adorable. Cessant rapidement mes rêveries histoires que B. ne me rappelle pas à l’ordre, je me concentrais sur elle ne parvenant pas à m’arrêter de sourire. Ouvrant la bouche, je me rendis compte que je souriais toujours en pensant à Aksel et que je devais avoir l’air totalement stupide. « Par où commencer ? Euh… Il s’appelle Aksel. Il travaille à l’animalerie en ville. Enfin… pas qu’il y ait deux animaleries dans notre patelin en fait. » le regard de ma meilleure amie vrillé sur moi me stressait légèrement, elle aurait quelque chose à dire. Mademoiselle Turner avait toujours quelque chose à dire en fait, et je m’inquiétais qu’elle ne l’apprécie pas. « Il a notre âge environ, je pense. Et comme je ne suis pas une harceleuse j’ignore son nom de famille et son adresse. Ce n’est pas trop le genre de renseignement que je demande de prime abord. Tu le fais toi ? » l’interrogeais-je en me demandant si elle n’en était pas vraiment capable au fond. « Hmm, sinon ce que je sais de lui… Il sait prendre son courage à deux mains lorsqu’il le faut. Il est adorable, et en plus semble supporter ma timidité et ma folie. Ce qui est très bien. Ah oui, et il est plus grand que moi, assez svelte mais avec des épaules bien définies. Et il a des yeux qui pourraient me faire perdre toute capacité cognitive si je ne fais pas attention. Enfin bref, il a l’air différent des autres et ça le rend encore plus spécial. » j’avouais avant de me rendre compte que j’avais parlé assez longtemps quand même. Un moment je me mordille la lèvre en la regardant attendant que le verdict tombe. Je suis certaine qu’elle cherche en cet instant à savoir si elle le connait. Une part de moi prie pour qu’elle ne tente pas de le menacer d’une quelconque manière. Braeden est adorablement protectrice, je ne pourrais jamais être assez reconnaissante de ça. Toutefois, il arrive que ce soit gênant parfois.