12 janvier 2006 :: « Wyatt, ça te ferait mal au ventre de sourire? Essaye au moins de faire semblant d'être content d'être là. » Je jette un regard noir à Louise en resserrant la fourchette entre mes doigts pour garder mon calme. Elle n'imagine même pas à quel point je suis heureux à ce moment précis, pourtant je ne parviens pas à en profiter. Je ne parviens à me dire qu'eux, les Hanwell, sont ma possible nouvelle famille. J'en ai eut sept avant eux, j'ai vu défiler des promesses (et des malades manteaux!) et j'ai appris à les filtrer. A ne plus leur faire confiance et penser qu'ils seraient les derniers. J'avais encaissé les déceptions et les retours en centre au point que ceux-ci ne me touchaient plus tant que ça aujourd'hui. A quatorze ans, je n'avais plus le moindre espoir quand au fait d'être adopté et de trouver des personnes qui allaient m'aimer, sincèrement. Pas pour une bourse qu'ils touchaient en s'occupant de moi, ou encore pour se donner bonne conscience et bonne image auprès des autres. Pour moi. « Désolé. » J'ai surtout envie de lui dire de la fermer mais on me l'a assez répété : je dois mettre les chances de mon côté en y mettant un peu du mien. Même si ce n'est que pour obtenir une déception de plus. Nolan et Ellie se lèvent de table et Lou fini par attraper ma main sous celle-ci, en la resserrant entre ses fins doigts. « Tu vas être adopté. Ils te l'ont promis et ils tiennent toujours leurs promesses. » J'ai envie de la croire. J'ai envie de me dire que c'est ma petite sœur qui me tient la main et que me lever pour l'aider à débarrasser la table et faire la vaisselle sera à présent mon quotidien. C'est con, c'est ce que tout gamin déteste et pourtant, adopter ces gestes tous les jours est la plus belle chose qu'on puisse m'offrir en ce moment. L'occasion d'avoir des habitudes, car je n'ai jamais eut le temps d'en avoir.
1er février 2008 :: Je vois son impatience et peut ressentir son stress qu'elle fini par me transmettre. Depuis ce matin, Louise ne tient pas en place. « Tu sais que c'est moi qui suis supposé être dans cet état? » Juste, comme ça... « J'y arrive pas, ça me soûle. » Elle lâche ma cravate d'un air vaincu et se laisse tomber sur mon lit. Qui a dit qu'il fallait être habillé comme un pingouin pour se rendre au tribunal? Personne. Mais Ellie a posé cette tenue sur mon lit ce matin et le moins que je puisse faire est de l'enfiler. Je m'applique devant le miroir à la nouer en gardant un œil sur le reflet de ma future petite sœur officielle. « Et excuse moi d'être excitée à l'idée que tout ça soit enfin officiel. A force de me répéter que ça va foirer, tu m'as presque convaincue. » Je lève les sourcils et fini par abandonner moi aussi : Nolan s'en chargera avant le départ, je crains. Assis sur le lit à ses côtés, je fini par m'allonger en fixant le plafond. « Dit moi ce qui peut encore foiré à ce stade? » Rien, je l'espère. A moins que mes parents décident soudainement de faire marche arrière, de refuser de signer les papiers de mon adoption, plus rien n'est sur notre chemin. Il leur aura fallu deux ans de démarches, à me rassurer chaque jour, mais nous y sommes et j'y crois. Fini les doutes, car les Hanwell... Ce serait injuste de ne par leur accorder ma confiance, après tout ce qu'ils ont fait pour moi. Après quelques minutes de silence, je fini par me redresser et lui tendre la main pour qu'elle me suive. « A part qu'on soit en retard ! » Je lui adresse un sourire sincère et attrape la cravate avant de dévaler les escaliers pour retrouver mes futurs parents dans le hall d'entrée. « Prêt ? » La main d'Ellie glisse sur mon visage et je lui fais un signe positif de la tête en lui tendant le seul élément qu'il manque. Je n'en ai jamais mis de toute ma vie, ça semblait simple aux premiers abords... mais ça ne l'est pas du tout. Nolan s'en charge en m'observant avec ce regard qui a le don de m'apaiser, avant de nous faire monter en voiture. J'ai beau être avec eux depuis deux années maintenant, c'est aujourd'hui que ma nouvelle vie commence.
17 mai 2010 :: Je sursaute et laisse tomber ma pile de t-shirts, poussant un long soupire en voyant l'énervement de Louise. Crise et dispute, acte 1, scène 38. Elle referme violemment ma valise et je lève les yeux au ciel devant son cinéma, ayant l'impression d'être dans une série débile pour adolescents. Ou l'adolescente en question est en pleine crise. « Après tout ce qu'ils ont fait pour toi, t'as pas le droit. T'as pas le droit de tous nous plaquer. » Une chance que nos parents ne le voient pas de la même manière, car je ne serais clairement incapable de partir en sachant que je les blesse. Ils me soutiennent à 100% dans ma décision de partir à San Diego ou j'ai obtenu une bourse pour jouer au Basketball dans une bonne université. Bien sur, ils n'ont pas caché leur déception de me voir partir, mais soyons francs, ce n'est pas en restant à Blossom Hills que je finirai sur les parquets. « C'est pas juste moi Wyatt et tu le sais! Regarde moi dans yeux et ose me dire que je suis seule dans cette histoire. » Je fais volte-face et la fusille du regard. Qu'elle crie un peu plus fort aussi, non? Pour être certaine que tout le monde entende sa petite crise. « Combien de temps j'ai attendu pour avoir une vraie famille? Un peu de stabilité? Arrête d'essayer de tout ruiner, vous êtes tout ce que j'ai Lou. » Ce qu'elle sait parfaitement. Ce n'est pas comme si je ne lui avais pas raconté chaque détail de mon existence. Personne ici bas ne sait comme elle tout ce que j'ai pu ressentir ou traverser au cours de mes jeunes années, que ce soit avant ou après mon adoption. Elle me connait sur le bout des doigts, je suis un livre ouvert pour elle. Et inversement. J'ai presque envie de dire malheureusement... « Tu n'vas pas nous perdre! Ils comprendront! Wyatt, s'il te plait... » La blague. Je n'ai même pas le temps de réagir que ses lèvres sont plaquées contre les miennes alors que je la repousse le plus délicatement possible. Je ne vais pas prétendre être de marbre face à elle, la voir à 100% comme ma petite sœur, car je m'imagine parfaitement lui arracher ses vêtements, là, tout de suite. Et cette idée m'excite autant qu'elle ne me répugne. J'ai honte, sincèrement. Je suis sûr que mes parents comprendraient que la langue de leur petite princesse a fini à plusieurs reprises au fond de ma gorge. Bien sûr. Son regard tueur se transforme rapidement en supplications et je la maudis de jouer ainsi avec moi, elle sait que je n'y résiste pas et suis incapable de lui dire non. « Ok, t'sais quoi? On oublie. Tout ça, c'était des conneries, on repart à zéro. Promis ça n'arrivera plus... Mais reste. » Je fais face à une girouette, en étant moi même une, si ce n'est que j'arrive à me résonner avant d'agir contrairement à elle. « Je ne cherche pas à vous abandonner... J'ai besoin de m'éloigner un peu, et jouer à San Diego... c'est une chance que je ne pensais pas avoir un jour. C'est pas juste à propos de toi Lou, c'est un rêve. » Les perspectives d'avenirs sont très limitées quand vos junkies de parents vous ont abandonné à l'âge de 18 mois et que vous vagabondez de famille en famille pendant dix longues années. Et pourtant, j'ai à présent tout et cette chance de pouvoir partir et découvrir le monde. Une chance de remettre les pendules à l'heure avec elle et calmer nos hormones : légalement, c'est ma petite sœur. C'est ainsi que nos parents le voient depuis 4 ans, je n'ai aucune envie de voir notre relation prendre un autre direction. De la perdre elle, notre complicité et puis les parents. Mes bras se re-serrent autour d'elle et je pose mes lèvres sur son front, moment que mon père choisi pour faire interruption. Je n'ose même pas imaginer s'il était entré une minute plus tôt... « Ça fait plaisir de vous voir réconciliés. » Je lui souris sincèrement, sans lâcher Lou pour ne pas avoir l'air coupable de quoi que ce soit. « Aloysia et Elias arrivent dans une heure. » Il précise et referme aussitôt la porte derrière lui. J'ai hâte de les voir. Je n'ai pas eut beaucoup d'occasions de croiser mes cousins - habitant à Blossom Hills et eux à New York, ça limite les repas de famille! - mais je les apprécie sincèrement. Et passer nos dernières heures avec le reste de la famille a quelque chose de rassurant. Les moments comme celui ci, ou on se retrouvent juste tous les deux seront rayés du programme, thanks god. « Je te déteste. T'as intérêt à me skyper et à revenir vite. » Je pousse un soupire de soulagement. On se fait rarement la gueule plus d'une heure mais j'ai bien cru que cette fois serait différente. « Promis. » Je ne compte pas disparaître de leur vie. Ni aujourd'hui, ni demain. Prendre un peu de recul est la seule solution que j'ai trouvé pour me remettre les idées en place et je m'y tiendrai, peu importe ses paroles.
18 JUIN 2012 :: Je tente de bouger mais une douleur fulgurante se propage dans mon dos. « Doucement Hanwell. » Je cligne des yeux. Une fois fois, deux fois. La luminosité est intense et me donne mal au crâne. Je fini par m'habituer et pose les yeux sur Bethany et force un sourire. « Tes parents sont en route. » Je fronce les sourcils. Mes parents sont à Blossom Hills, à des kilomètres de San Diego. « Quoi ? Qui les a prévenu ? File moi mon portable, j'vais bien. » Je me rappelle vaguement de ma soirée. J'ai largement abusé de l'alcool et Hamilton m'a chauffé. Je me revois lui mettre mon poing dans la gueule, lui me plonger dessus et puis, le blanc. Mais une bagarre ne justifie pas que mes parents cessent toute activité pour voler à ma rescousse - ou m'arracher la tête. Je serre les dents, détestant littéralement l'idée de pouvoir les décevoir. Je vois Beth grimacer et s'asseoir sur le bord du lit en me prenant la main. J'ai trop mal pour lui rappeler qu'elle n'est pas ma petite amie, je serais presque soulagé de l'avoir à mes côtés. « Wyatt, c'est plus grave que ce que tu ne penses... J'vais appeler un médecin. » Oui la douleur dans mon dos est insoutenable mais elle ne justifie pas son air inquiet - j'ai limite l'impression d'être sur mon lit de mort - et encore moins l'arrivée de la famille. Beth s'exécute néanmoins et sors de la chambre pour revenir accompagnée. Plus de sensations dans les jambes, paralysie partielle et temporaire, rééducation. Je ne capte que quelques mots, ayant l'impression d'être complètement ailleurs. C'est juste impossible qu'une simple dispute tourne aussi mal - avec un connard pareil en plus ! « Monsieur Hanwell ? Aucune sensation ? » Je tourne la tête vers le médecin pour réaliser qu'il s'est approché de moi. Mes yeux suivent ses mains pour réaliser qu'il me tripote les jambes de partout. Je le vois, je le sais. Mais rien, absolument rien. « Vous pouvez remuer vos orteils pour moi ? » Vu son air dépité, ils ne bougent pas. Non je ne peux pas, connard. Je détourne les yeux pour fixer le plafond et rester poli face à la pitié qu'ils m'accordent tous. Mon chirurgien m'explique que j'ai traversé une vitre, récoltant des bouts de verre dans la colonne vertébrale. Premier pronostique, le bas de mon corps est complètement paralysé mais il est confiant sur le fait que ce soit temporaire. Deux semaines, 3 mois, 5 ans, il n'en a pas la moindre idée, mais il est optimiste. Bien sur, ce n'est pas ses jambes qui ne répondent plus à l'appel. Le basket ? Fini. Même si je parviens à reprendre le contrôle de mon corps, je ne récupérerai jamais mon niveau. Je suis trop abasourdi pour réagir et me contente de hocher la tête à tout ce qu'il dit jusqu'à ce qu'il me laisse. Je ne ressens rien, absolument rien. A croire que mon cerveau a grillé avec mes jambes. « Tu veux que j'appelle quelqu'un ? » Elle veut quoi ? un communiqué officiel ? Je ne suis pas Michael Jordan, tout le monde s'en tape. « Tu peux me laisser ? » Dégage, juste casse toi. « J'aimerais me reposer avant que mes parents arrivent. » J'ai presque envie de m'applaudir pour mon ton doux et calme qui contraste totalement avec mon envie de lui arraché les yeux. Ce n'est pas sa faute, mais la bagarre est quand même partie d'elle. J'ai voulu jouer au chevalier qui défend madame alors qu'elle aurait très bien pu le faire toute seule - et sans que ça finisse avec des poings. Elle semble déconcertée, hésite puis m'embrasse avant de quitter la chambre en me signalant qu'elle sera vite de retour. Ô joie.
29 AOÛT 2012 :: « T'es sûr que ça va ? » La voix de ma mère s'élève de l'autre coté de la porte et je soupire avant de lui confirmer que je m'en sors. Faux. Je ne suis même pas foutu d'enfiler un pantalon tout seul. Ça fait pourtant plus d'un mois et demi que j'ai quitté l'hôpital de San Diego pour revenir à la maison, mais je ne parviens pas à m'habituer à mes deux roues. Le médecin dit que ça peut prendre du temps, voir s'améliorer du jour au lendemain mais je perds patience en ne voyant aucune amélioration. Lou fini par frapper puis entrer dans ma chambre et je lui lance un regard accusateur. « L'intimité, tu connais ? » J'aurais très bien pu être à poil vu les vingt minutes qu'il m'a fallut pour enfiler ce caleçon et une jambe dans mon jeans. Je m'en veux aussitôt de l'agresser car je sais qu'elle cherche simplement à m'aider, cette situation me rend juste dingue. « Laisse moi t'aider abruti. » Elle glisse ma jambe dans mon jeans et je pousse un long soupire d’agacement. « Merci Lou, à défaut d'avoir des jambes, il me restait encore un peu de dignité avant ton intervention. » J'ai un sourire moqueur et parviens à chasser ses mains de mon pantalon (elle a fait le plus gros et vient de m'économiser 10 minutes de bataille avec mon corps mais je la maudis quand même). « J'vais finir seul, merci. T'as pas un petit copain qui t'attend ? » Un avec des jambes, même, la classe. Je suis conscient d'en vouloir au monde entier alors qu'ils cherchent juste à m'aider mais ils me soûlent tous à me voir comme un incapable. Je lève un sourcil et l'observe en attendant qu'elle s'échappe. « Si, mais lui je préfère le déshabiller. » Je reste bouche bée devant son répondant et ne peut m'empêcher de laisser mon majeur faire une apparition alors qu'elle me tire la langue et sort de la chambre. Garce. Le pire c'est que je refuse toujours son aide... Et je ne suis pas prêt d'appeler au secours à présent. La bataille pour terminer et fermer mon pantalon est encore plus compliquée maintenant que je suis sur les nerfs, l'idée qu'il puisse poser les mains sur elle m'énerve bien plus que ce foutu jeans. Et pourtant, autant être réaliste, ils ne font pas soirée scrabble depuis des mois.
24 juillet 2013 :: Je n'ai pas le temps d'écraser mon doigt sur la sonnette que la porte s'ouvre et Lou se retrouve dans mes bras. Je la serre contre moi en la soulevant avant de la reposer par terre pour embrasser mes parents. Je suis soulagé, après près de 6 mois en chaise roulante et 6 autres de rééducation, de pouvoir marcher à nouveau. Me débrouiller seul, au point d'avoir choisi de quitter le cocon familial il y a un mois pour m'installer dans mon propre appartement. J'ai été habitué à ne dépendre de personne à San Diego et même si j'avais clairement besoin de leur aide cette année - et que je les aime profondément - je suis soulagé de retrouver ma liberté. Taylor embrasse rapidement la famille et nous rentrons pour s'installer au salon ou maman a préparé plusieurs petits toasts. Taylor, c'est la joli demoiselle qui s'est retrouvé en rééducation en même temps que moi, suite à un accident de voiture. Elle y était depuis plusieurs mois et ses progrès étaient considérables quand j'y suis arrivé, incapable de bouger le petit orteil. Au lieu de me prendre avec des pincettes comme le reste du monde, madame m'a secoué et ça a payé. En un petit mois, nous étions ensembles et même si je ne m'imaginais pas vraiment dans une longue relation si jeune, je ne me plains pas. Elle est jolie, elle m'apprécie et elle m'a soutenu tout au long. Le centre, les rendez-vous chez le médecin... J'ai appris à accepter son aide, parce qu'elle est passée par là elle aussi. Depuis que j'ai pris mon appart il y a 4 semaines, elle vit pratiquement avec moi ce qui me dérange un peu... Mais j'imagine qu'il faut faire des concessions. Puis elle n'est pas difficile à vivre, juste... Envahissante. Pas de manière exagéré, j’espérais juste avoir mon chez-moi, juste à moi et c'est raté. Le repas se déroule très bien - la cuisine de ma mère m'a vraiment manqué ! Taylor est au moins aussi douée que moi pour faire à bouffer. On prône les surgelés. Bref, on passe à nouveau au salon et Lou vient se mettre sur mes jambes alors que je passe mes bras autour de sa taille. Je ne manque pas le regard assassin que Tay' nous adresse mais je lui fais une petite moue innocente : de quoi elle râle ? C'est ma petite sœur, qui me manque terriblement. C'est bizarre de vivre avec quelqu'un et soudainement, on ne se croise qu'aux repas de famille. C'est peut-être pas plus mal dans notre cas... Pendant que les trois autres parlent de tout et de rien - et surtout du fait que c'est génial que moi, petit handicapé, a repris le boulot, en alternance avec des études - Lou me murmure les dernières conneries que j'ai raté à la maison. Ma mère est adorable mais c'est miss catastrophe aussi bien dans ses gestes que dans ses paroles. On éclate de rire une énième fois quand Taylor se lève soudainement. « Wyatt, je peux te parler? Seul à seul ? » Son ton n'annonce rien de bon. Je soulève Lou pour me lever et lui lance un petit regard dans lequel il doit être écrit HELP. Taylor prend directement le chemin de mon ancienne chambre, elle a passé tellement de nuit ici, elle connait la maison presque aussi bien que moi. La porte de ma chambre claque et elle croise les bras sur sa poitrine. Je me contente d'attendre en silence, ignorant complètement d'ou vient sa soudaine saute d'humeur. « C'est votre petit plaisir de vous foutre de moi devant tes parents ? » J'ouvre grand les yeux et me retient de sourire pour ne pas m'en manger une - parce que on dirait pas comme ça mais madame a de la force. « On parlait pas de toi Tay'... Pas du tout. » On a même pas prononcé son prénom pour être honnête, elle est complètement parano. « C'est pas ce que vous dites, c'est votre comportement ! Vous vous êtes vu Wyatt? Sérieusement ? Elle te bouffe des yeux ! J'existe plus une fois que Lou est dans la pièce. » Ma première réaction est de vérifier que la porte est bien fermée. Mon sang tape dans mes tempes et j'ai l'estomac retourné. « C'est ma sœur ! Tu vas sérieusement me faire une crise de jalousie parce que ma petite sœur est sur mes jambes? » J'essaye sincèrement d'y croire, pour qu'elle en fasse de même. « Ta sœur ? Tu la considères vraiment comme telle ? Parce que si c'est le cas vous êtes encore plus glauques que ce que je pensais ! Tu te rends compte de la manière dont tu la regardes ? C'est pas ta sœur. » Je ne sais pas ce qui m'énerve le plus : qu'elle tape en plein dans le mile, ou qu'elle remette en question le lien entre Lou et moi. Le fait que les Hanwell sont ma famille, mes parents. Les seules personnes qui aient tenu à moi suffisamment pour se battre. « Dégage. » J'ouvre la porte et m'appuie contre celle-ci. Mes membres tremblent d'énervement et je dois serrer les poings pour me calmer. Hors de question que je l'écoute hurler un mot de plus dans la maison de mes parents. « J'y comptais bien... Mais tu sais que j'ai raison. Ça finira par te bouffer Hanwell. » Elle m’embrasse sur la joue et je dois me retenir de l'envoyer valser par dessus la rampe des escaliers. Je la préférais haineuse y'a une minute que compatissante, comme si elle en avait fait une réalité quoi que je dise pour me défendre. Elle dévale les escaliers et je l'entends s'excuser et saluer mes parents. Après une minute pour me calmer, je descends et découvre mes parents dans l'incompréhension la plus totale face au départ précipité de ma petite amie. Ex petite amie. Ils n'ont rien entendu, je peux respirer à nouveau. Je lève les épaules, optant pour l'indifférence, l'incompréhension. « Désolé pour Tay'... J'crois que c'est fini. » Je précise pour que personne ne me pose de questions sur la dispute que nous venons d'avoir. Pour une fois, je veux bien de leur pitié, que personne ne cherche à me bousculer parce qu'ils me pensent blessé. Je suis surtout énervé en réalité. Mon père me donne une tape dans le dos et ma mère m'embrasse sur le front. Pauvre petit Wyatt, je m'en veux presque de jouer la comédie face à leur compassion. « Tu trouveras un moyen d'arranger les choses mon ange. » Je ris nerveusement et pousse ensuite un long soupire. Non maman, je ne veux pas arranger les choses. Surtout pas maintenant qu'elle est la seule personne a avoir compris, la seule à pouvoir tout détruire d'une seule phrase. « J'vais y aller... Merci pour le repas maman. » Je baisse les yeux avant de les observer à nouveau et me diriger vers eux pour les embrasser. Louise semble beaucoup plus distante soudainement, alors qu'elle était collée à moi la moitié de l'après-midi... Tant pis, je ne suis pas prêt à me prendre la tête une deuxième fois aujourd'hui. Cette famille est ce qui compte le plus pour moi, que je ne survivrais pas à leur perte, ce qu'elle sait parfaitement. Sans perdre de temps, j'embrasse mes parents tour à tour. Quand j'en viens à Louise, je cherche rapidement son regard mais rien... Elle m'évite et je me contente de lui tendre la joue avant de me diriger vers la porte. Je n'ai aucune idée de ce qui a pu changer son humeur aussi radicalement puisque par chance Taylor n'est pas partie en leur hurlant l'idée qu'elle se fait de nous. Je marche péniblement jusqu'à la voiture et leur adresse un dernier signe avant de démarrer. Arrivé en couple et de bonne humeur, repartir célibataire, l'estomac noué et la peur au ventre : check.
24 décembre 2014 :: « Faut quand même avoir une sacrée dose de malchance pour tomber en panne dans ce bled pourri un 24 décembre. » Je sors ma tête du moteur pour prendre un nouvel outil et lui adresse une moue faussement compatissante. Ça fait une heure que mademoiselle se plaint : ferme là et j'irai beaucoup plus vite. « Enfin sans vouloir t'offenser, je peux comprendre qu'on s'y plaise. » Je lève les épaules, n'en ayant rien à faire de ses piques ou ses excuses. « Merci d'y jeter un oeil, t'avais sans doute autre chose à faire pour ton réveillon de noël.. » Ah, quand même, quelqu'un qui réalise que je devais aider mon père à aller chercher l'arbre familial, puis le décorer avec Lou et maman. Je ne me plains pas forcément, noël est lié à un tas de souvenirs douloureux qui font que je n'en raffole pas... J'ai beau avoir des tas de bons souvenirs maintenant, je suis allergique au sapin, du coup c'est toujours sympa d'y échapper, plutôt que bouffer des analgésique et dormir debout. Mon alternance est terminée depuis un peu plus de six mois, mais je reste le petit nouveau au garage, celui que Mike a appelé ce matin pour voir si je pouvais aider Laura, ce qui n'est en rien une obligation : nous sommes tous en congé. Mais je m'y colle, parce que même si le cœur n'y est pas, elle doit sans aucun doute déprimé à l'idée de passer noël seule à Blossom Hills. Malheureusement, elle est foutue. « Ouai... A ton service. Mais je peux rien faire pour toi, il va falloir commander des pièces... Je pense que t'es bloquée ici jusqu'au 27, le 26 si on a de la chance et qu'on reçoit les pièces directement. » Elle pâlit avant de m'expliquer par A + B que ce n'est pas possible, qu'il est hors de question qu'elle passe noël seule dans un coin paumé (c'est qu'elle lui en veut à notre petit ville!). Je referme le capot et m'essuie les mains dans un torchon en l'observant continuer son cinéma. C'est loin d'être idéal, mais c'est comme ça : je ne suis pas magicien. « J'peux te déposer dans le centre si ça peut t'aider... Y'a un petit motel, la proprio est plutôt cool. » Oui parce qu'on est peut-être pas 10.000 dans notre bled, comme elle dit, mais tout le monde connait tout le monde pratiquement et ça aide quand on est dans la merde - c'est aussi tragique car les nouvelles font le tour plus vite que dans closer. « Oui, merci. » Je vois les larmes lui monter aux yeux et lui désigne la voiture du menton, dans laquelle elle s'installe en reniflant. Un appel à ma mère plus tard, je la rejoins en hésitant. J'ai beau faire preuve de bonne volonté - tout comme ma mère - j'ai un peu peur qu'elle soit une chiante de première qui nous tue notre réveillon. Je souire et démarre le moteur. « J'vais chez mes parents ce soir, tu peux fêter ça avec nous si ça tu préfères. Ma chambre est libre. » Inutilisée depuis plusieurs années mais libre, même si ma mère y a sans doute installé un tas de trucs inutiles. Elle s'assure une dizaine de fois en route que ça ne nous dérange pas et je regrette déjà ma proposition : je n'aime pas me répéter. « Demain j'suis bénévole au centre. Pour des gamins en attente d'adoption, tu pourras venir avec. » Sous-entendus : tu viendras avec, ce n'est pas le genre de proposition qu'on peut refuser poliment. On ne dit jamais non à une paire de main en plus au centre et puisqu'elle va profiter du "bed & breakfast Hanwell", elle peut y mettre la main à la patte. Arrivés à la maison, les parents l’accueillent comme si elle était une invitée prestige et Laura se détend. Je rejoins Lou dans la cuisine et lui donne un coup de coude amusé face à son air indifférent. « T'es pas fière de ma B.A du jour? » Je demande, pour la taquiner. Je passe mon bras autour de son cou en prenant soin de ne pas la salit et l'embrasse sur la tempe, avant de monter pour prendre une bonne douche et me débarrasser de la suie qui recouvre mes mains. Pas de stresse, je ne ramène jamais personne à la maison et ce n'est pas prêt de commencer.